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Construire l’écologie pour tous !

février 18, 2011

Texte non signé, in Newsletter – Nous sommes tous des coopérateurs-trices  – Spéciale « Assemblées générales décentralisées Europe Écologie – Les verts » (EELV), le 17, février 2011

Les temps changent. Et une nouvelle fois l’écologie est à la croisée des chemins.
Après une séquence politique et électorale qui a redonné consistance à l’écologie politique en France et conduit à la naissance d’EELV, les années qui viennent sont celles de nouveaux défis, plus capitaux encore que ceux déjà affrontés et, à ce titre, plus délicats à négocier.

Quels sont ces défis ?

Il y a urgence à mener la transformation écologique de la société. En France bien sûr, mais aussi à l’échelle internationale, et en particulier européenne. A l’heure des crispations identitaires, du retour des sirènes nationalistes et tribuns souverainistes à droite comme à gauche, il est temps de rappeler que l’Europe est le lieu pertinent pour une action politique de transformation. L’Union européenne ne se réduit pas à sa technocratie ou aux gesticulations médiatiques des sommets internationaux. L’Europe est avant tout un idéal de paix et de prospérité partagée qui repose sur des valeurs fondamentales de liberté, d’égale dignité, et surtout de solidarité. En ces temps d’interdépendance et de mondialisation, s’accrocher aux ombres de la souveraineté nationale c’est se condamner à l’impuissance politique. Les crises économique, sociale et politique sont bien installées. Les crises écologiques qui vont du changement climatique à l’épuisement des ressources naturelles et de la biodiversité deviennent chaque jour plus prégnantes. Laisser penser qu’on peut sauver un modèle économique, financier et social en banqueroute par un productivisme effréné ne fait qu’accentuer la dette écologique abyssale que nous commençons seulement à payer. Il y a urgence à mettre en place des politiques à long terme pour un modèle nouveau de société.
Pour ce faire, nous ne devons pas seulement remporter des élections, mais aussi bénéficier d’un soutien large et durable de l’opinion nous permettant de mettre sur pieds des chantiers qui nécessitent inventivité et engagement. L’écologie politique a certes fait d’impressionnants progrès dans le monde mais nos idées demeurent encore minoritaires. Cette métamorphose à la fois complexe et incertaine que nous appelons de nos voeux nécessite de rassembler vite et efficacement des gens aux parcours différents des nôtres et dont nous avons parfois trop
dogmatiquement ignoré l’existence.
Notre responsabilité politique est donc immense. Agir pleinement en conscience de celle-ci constitue le second grand défi. Nous ne pouvons plus nous contenter de postures critiques marginales dans l’espace institutionnel ou public. Penser que nous serions des justes, pour avoir été les premiers lanceurs d’alerte d’une faillite devenue évidente pour beaucoup, serait une erreur profonde. Le meilleur et le plus précoce des diagnostics ne vaut rien s’il ne s’accompagne pas des soins et du consentement du patient à les suivre. L’urgence écologiste nous oblige à occuper durablement la scène politique. L’autonomie d’une pensée politique ne se résume pas au confort des positions radicales et minoritaires.
En France, l’écologie politique est étroitement associée à la culture anti-autoritaire et libertaire. Pour beaucoup d’entre nous, le rapport au pouvoir n’est pas simple. En même temps, une position d’observateur cynique à l’heure où tout un modèle de société semble se diriger dans un mur est humainement et politiquement inadmissible.
En matière d’expérience du pouvoir, nous ne partons heureusement pas de rien. En France comme dans plusieurs pays d’Europe, nous avons déjà participé à des exécutifs. Nous ne à mettre en oeuvre avec réalisme et détermination les projets ambitieux que nous portons pour et avec la société.
Le troisième défi que l’écologie politique doit aujourd’hui relever peut apparaître plus prosaïque, mais il découle directement des deux précédents : c’est celui de la manière dont nous devons aborder les échéances politiques à venir. L’enjeu d’EELV n’est pas seulement de
consolider ses acquis politiques. Il s’agit surtout d’aller de l’avant et d’élargir notre assise à la fois électorale et culturelle au sein de la société. Sans rien renier des performances électorales de nos listes aux européennes et aux régionales, la séquence électorale qui s’annonce avec la présidentielle et les législatives de 2012 ne sera pas la plus simple à négocier. En contradiction avec notre conception des institutions démocratiques, la première ne nous a jamais été favorable. Quant aux secondes, déformées et même détournées par un mode de scrutin inéquitable, une inversion stupide du calendrier électoral et une hyperprésidentialisation du régime, elles entravent mécaniquement la reconnaissance sociale dont jouit à présent l’écologie politique. Mais là encore, il serait trop facile d’expliquer notre difficulté à percer dans ce type d’élection simplement par des règles du jeu handicapantes sans reconnaître nos propres limites. L’écologie politique a certes progressé ces trois dernières années, mais nos réussites électorales sont proportionnelles à la forte abstention qui sévit dans les milieux populaires et parmi les jeunes lors des scrutins intermédiaires. En 2012, l’intermittence électorale sera différente et nous peinons encore à rendre nos idées intelligibles auprès d’une vaste proportion de la population. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une écologie des centres urbains, des populations aisées au niveau d’études élevé.
L’écologie populaire ne peut pas rester un slogan! Dans certains domaines, nos propositions politiques restent faibles et trébuchent encore sur des dogmes surannés importés de la vieille gauche. En dépit de la complexité des solutions qu’elle tente d’esquisser, l’écologie politique doit parler à toute la société et continuer de ramifier dans tout le terreau de la civilité.

Ouvrir, élargir et rassembler encore

L’écologie politique n’est pas qu’une culture qui vise à renouer avec des rapports équitables entre l’homme et la nature. Précisément, parce qu’elle est le fruit de la pensée humaine, l’écologie politique est aussi un objet social qui entend réconcilier les hommes entre eux à l’échelle d’un territoire, d’une nation mais aussi dans une dimension qui est aujourd’hui véritablement planétaire. L’objet de l’écologie politique c’est le respect d’un équilibre équitable entre l’humain et son environnement global, autrement dit ce qui recoupe à la fois et simultanément son environnement naturel, son environnement social et les dimensions transterritoriales de celles-ci, celles de réalités qui dépassent désormais les frontières culturelles, institutionnelles, politiques mais aussi quotidiennes des territoires et de la cartographie d’antan. Vaste défi pour tout dire ! L’écologie politique s’adresse à tous et pour tous. D’abord parce que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la vie et sur la planète se moquent du statut social, de la culture ou du lieu de résidence.
Parce qu’elle pense global, l’écologie politique comprend la nature de la mondialisation. Elle en connaît la valeur, en particulier son impact sur la cristallisation d’une conscience planétaire. De même en reconnaît-elle les dangers, en particulier l’accroissement des inégalités sociales aux plans local et mondial. La réalité urbaine de la France contemporaine est celle de villes déstructurées toujours plus vastes, où convergent les cultures, les questions et les visages du monde entier. Parce qu’elle pense à la fois global et local, l’écologie politique comprend et embrasse aussi la diversité et la complexité de nos sociétés cosmopolites.
Parce que la transformation écologique de la société coûte évidemment cher, nous devons veiller à ce que son impact ne s’acharne pas contre les mêmes étages de la chaîne sociale, que les efforts soient proportionnels à la richesse et que les effets économiques de cette transformation profitent notamment en termes d’emploi comme en termes de revenus à celles et ceux qui en sont privés. En France comme dans de nombreux pays, le système fiscal est particulièrement inégalitaire et relativement inefficace. Il doit être repensé à l’aune de l’urgence écologique, de la mondialisation des flux financiers et de la dématérialisation de l’économie. Au mille-feuilles baroque et injuste issu d’une succession de réformes partielles et incohérentes, il faut substituer une fiscalité mieux répartie et plus équitable où l’humain serait réhabilité en lieu et place d’un productivisme aveugle et d’un consumérisme effréné. Sortons de l’image d’une écologie punitive pour fonder les bases d’une écologie de la créativité et de la réconciliation.

Une coopérative politique pour inventer, renouveler, accompagner et réconcilier

De la dynamique née des élections européennes et régionales, une nouvelle formation politique est née. C’est ainsi qu’Europe-Ecologie-Les-Verts s’est constituée lors des Assises de Lyon en novembre dernier. C’était une étape indispensable au dépassement de ce qu’avait été jusque-là l’organisation de l’écologie politique en France. Mais Lyon n’est que le début de la dynamique de l’écologie politique et de l’accélération du processus d’ouverture et de renouvellement. Jamais dans la société française, la question écologique n’a autant animé les esprits. La gauche modérée ou radicale, de même que le centre ou plus encore la droite peinent à réviser leur matrice politique datant du siècle dernier. La présidentielle qui vient, audelà des coups de drague pour s’attacher un électorat écolo, va inévitablement montrer la dissémination du logiciel écologiste dans la vie publique et toutes les questions laissées dans le placard vont ressurgir comme autant d’impératifs repoussés.
Présidentielle encore, mais par la lorgnette de la sempiternelle question « aller ou pas à une élection » éloignée de nos valeurs mais qui reste un moment rare de vie politique partagée par tous les Français. La famille écolo s’anime pour ce débat et c’est tant mieux!
Aujourd’hui , on repère 3 positions dont les effectifs varient au fil de la situation politique :
– Il y a celles et ceux qui s’interrogent sur une candidature coûte que coûte
– Il y a celles et ceux qui soutiennent une candidature d’Eva Joly, parce qu’elle incarne le besoin de justice d’une société française malade et symbolise cette explosion du champ de l’écologie et de ses compétences au-delà des domaines où l’on avait voulu nous cantonner.
– Il y a celles et ceux qui soutiennent Nicolas Hulot pour tout ce qu’il représente notamment en matière de prise de conscience publique et de défense de l’environnement.
Dans ces trois cas de figure, une chose est commune : celle ou celui que nous appuierons dans cette élection n’appartiendra pas au cercle traditionnel de ce que représente EELV. Abstention, exclusion, clientélisme : depuis des décennies, le fossé n’a cessé de se creuser entre politique et société, au point d’amener une remise en cause profonde du système représentatif.
Mascarade, duperie, escroquerie… les termes utilisés traduisent une certaine fatigue de la démocratie en Europe en général et en France en particulier. On assiste au divorce démocratique entre un système partidaire fonctionnant hors-sol selon une projection fantasmée du « peuple » et une société active, diverse, créative mais sans illusion sur la nature et les formes du pouvoir qui s’exerce sur elle. Depuis une grosse décennie se succèdent régulièrement des expériences sans lendemain pour surmonter ce divorce : collectifs antilibéraux, comités désirs d’avenir et MoDem ont tous procédé de logiques très différentes et se sont tous abîmés dans la résilience ou le cannibalisme des appareils partidaires incapables
d’évoluer. C’est à la mesure de ces échecs successifs que doit s’apprécier la construction d’un mouvement comme Europe Écologie. Certes le moment est propice avec l’amorce d’une réelle prise de conscience élargie des enjeux environnementaux. Mais 20 ans après les premières victoires électorales de mouvements écologistes, l’alchimie délicate d’Europe Écologie résulte de la mise en présence de trois éléments fondamentaux : la nature propre de la pensée de l’écologie politique, la forme particulière du parti Vert, tout à la fois solide et conscient de ses limites, et l’influence décisive de figures de rassemblement, catalyseurs indispensables à cette cristallisation inédite. Nous devons démontrer que cette dynamique d’espérance n’a pas cédé devant la Realpolitik sclérosante des appareils parce qu’elle s’est structurée en mouvement intégré. L’écologie pour tous, c’est un mouvement écologiste qui refuse le sinistre modèle léniniste d’un parti-noyau se prenant pour l’avant-garde éclairée de la conscience écologiste, et obnubilé par son fonctionnement interne au lieu de se préoccuper de son ancrage dans la société, de son rôle de formation citoyenne et de sa capacité à renouveler ses réponses et ses acteurs.
Devant l’ampleur des défis qui se profilent, la consolidation d’un mouvement écologiste rassemblé tient désormais de l’ordre de la responsabilité historique. Ce qui cherche le jour, c’est bien une forme politique inédite capable de mener la transformation de la société, sans s’abîmer ni perdre son objet dans l’apathie qui affecte les partis politiques traditionnels. Une forme politique singulière et diverse par nature, directement animée par la vitalité de la société et sa biodiversité politique. Quelque chose qui demande à être et qu’il nous appartient de faire advenir…

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